1989 — Musée Rimbaud

1989 Musée Rimbaud

Musée Rimbaud — 1989 Charleville-Mézière, Ardenne

Sur de grands aplats blancs

«Sur de grands aplats blancs, jai peint des poissons. Puis il y eut les rouges et les damiers. Il y eu la terre, je veux dire les ocres marqués dun triangle, recouvert par Les grandes crues, Les oiseaux deau avec en filigrane larche.»

Ainsi Anne Moreau parle-t-elle de son itinéraire. Sa vie et sa peinture sy trouvent liés. Leau représente le milieu privilégié. Cest à la fois un choix existentiel et une aventure artistique. Anne Moreau a longtemps vécu à l’Île de Ré, puis dans une péniche, avant damarrer son atelier près dune écluse champenoise.

Mais sa peinture nest pas étroitement référentielle. Les poissons qui, parfois, viennent émerger des signes, ondes bleues, traces d’écritures, les oiseaux déployés sur des surfaces colorés de terre, les arches des ponts, renvoient au vécu quotidien tout autant qu’à une large symbolique.

 La force et la singularité de ce travail tiennent, je crois, à cette tension instaurée depuis longtemps par lartiste et un réel éprouvé dans un corps marqué par le désir et la surface de la toile où simpose des formes.

Ni réaliste, ni symboliste cette art repose sur un mouvement constant, il engendre un espace de vibrations qui ouvre le regard à son propre inachèvement : il ne peut se fixer dans une image du monde. Loeil oscille sans cesse entre leau et le ciel, le réel perçu et les présences vivantes de la mémoire.

«Lorsque je pense pont, arche, peinture, je ne différencie pas le symbole du concret. Peinture, pont, lieu de passage en tout sens, croisée des chemins deau et dair. Lart est moyen et non but, il capte et concentre les énergies».

 De fait on peut dire que leffort essentiel dAnne Moreau a consisté à ménager un espace pour un vide entendu comme possibilité daccueillir le souffle, les énergies, ainsi que les anciens chinois nous lenseignent. Si les dernières toiles présentent un aspect épuré, elles ne le doivent pas à la tentation idéaliste si courante dans la peinture moderne dabstraire les formes, de les réduire à quelque signifiant ultime. Bien au contraire, les arches paraissent dégagées de tout ce qui pourrait perturber leur équilibre et nuire au libre passage de la lumière de leau, du songe : «Larche est larc en ciel, courbe du serpent, celle du fleuve, elle est la femme-ciel dans les représentations égyptiennes montrant une femme dont le corps en arc de cercle enferme les étoiles au dessus des »

 Anne Moreau : une peinture qui ne nous sépare pas du monde, dont chaque forme fait vibrer lherbe, la pierre, la vase, laile de loiseau, en un chant sans fond, sans fin.

Jean-Marie Le Sidaner

Avant les années 2000, il y avait les ektas. Ceux-ci ont été repiqués pour les besoins du numérique, la qualité s’en ressent…